La commission du stationnement payant, juridiction OVNI

L’ordonnance n° 2015-45 du 23 janvier 2015 a fixé les règles constitutives de cette juridiction, dénommée « commission du contentieux du stationnement payant ». Le décret n° 2015-646 du 10 juin 2015 précise les règles de fonctionnement de cette juridiction spécialisée.

Le processus d’élaboration et d’adoption de ces textes, qui comporte une consultation préalable obligatoire du CSTACAA (conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, au sein duquel l’USMA détient deux sièges), a été jalonné de « couacs ».

Retour sur un processus mouvementé…

Premier « couac » : passage en force de l’ordonnance

Alors que le projet d’ordonnance soumis au CSTACAA (séance du 9 décembre 2014) prévoyait que les décisions de cette juridiction seraient rendues en formation collégiale, ce qui avait conduit les élus USMA à émettre un vote favorable, l’ordonnance adoptée seulement un mois plus tard indique que les décisions seront en principe rendues par un juge unique, le renvoi devant une formation collégiale n’étant plus qu’une possibilité…

Les représentants USMA ont exprimé leur regret que le texte, qui n’était pourtant pas soumis aux aléas du débat parlementaire compte tenu de sa nature d’ordonnance, ait ainsi été modifié en profondeur sans que le CSTACAA n’ait été mis à même de se prononcer utilement !

Deuxième « couac » : le projet de décret ne passe pas l’épreuve du CSTACAA

Le projet de décret fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de la commission du contentieux du stationnement payant a été examiné par le CSTACAA lors de sa séance du 17 mars 2015.

Les élues USMA, après avoir déploré l’absence d’étude d’impact s’agissant de la création d’une juridiction spécialisée appelée à juger environ 600 000 requêtes par an, ont émis un certain nombre de réserves.

A été principalement dénoncé le mécanisme « inédit » consistant à informer le requérant de ce que sa requête est irrecevable, sans porter à sa connaissance le motif d’irrecevabilité ni l’inviter à régulariser, puis, faute de réponse de sa part dans un délai bref, à lui opposer une renonciation à sa requête… Ces dispositions étaient excessivement piégeantes, et en total décalage avec les règles habituelles de recevabilité des requêtes.

Les élues USMA ont également :
-  regretté que la fonction de chef de cette juridiction spécialisée ne soit réservée à un magistrat inscrit sur la liste d’aptitude au 5ème échelon du grade de président, c’est à dire reconnu apte à présider une juridiction
-  regretté l’absence de toute précision s’agissant du grade ou de l’ancienneté des magistrats administratifs nommés, alors qu’ils seront appelés à exercer leurs fonctions en juge unique, et pourront se voir déléguer la présidence de formations collégiales
-  se sont interrogées sur la compatibilité d’une désignation pour une durée de trois ans renouvelable, avec les principes d’indépendance et d’inamovibilité des magistrats, et ont indiqué qu’il conviendrait à tout le moins de préciser la procédure de renouvellement
-  se sont étonnées de ce que le mécanisme des ordonnances, en principe réservé au rejet des requêtes manifestement irrecevables ou infondées, puisse être utilisé pour donner satisfaction au requérant, et de la sorte annuler un acte administratif et modifier l’ordonnancement juridique
-  déploré que les affaires soient jugées sans audience, et exprimé leurs doutes sur la compatibilité avec les exigences de l’article 6-1 de la CESDH.

Nos arguments ont convaincu la majorité des membres du CSTACAA, de sorte qu’un avis défavorable a été donné sur ce projet de décret.

Troisième « couac » : le décret adopté ne tient compte qu’à la marge de l’avis défavorable du CSTACAA

En principe, un avis défavorable du CSTACAA conduit le gouvernement à revoir sa copie

En l’occurrence, le décret n° 2015-646 du 10 juin 2015 a certes pris en considération les réserves émises sur le mécanisme d’irrecevabilité, le texte prévoyant désormais que le motif d’irrecevabilité sera porté à la connaissance du requérant.

C’était un minimum…

Toutefois, l’avis du CSTACAA du 17 mars 2015 n’était pas un avis favorable sous réserve de cette modification, mais bel et bien un avis entièrement défavorable, la majorité des membres du CSTACAA ayant des doutes, au vu des multiples réserves sus-décrites, sur la nature réelle de cette « commission », dite juridiction administrative, mais qui ressemble fort à une commission administrative…