Avant-Projet du Conseil d’Etat sur le Juge unique


Question préalable : quel est l’objectif de cette réforme ?

La réponse a été rapidement énoncée par M. Durand Viel : des gains de productivités. Nous avons rappelé que nous demandions une étude globale sur ces pseudo gains pour l’ensemble de la juridiction administrative, de la première instance à la cassation. Notamment y a-t-il une augmentation du taux d’appel et du taux de réformation ? Nous avons rappelé que si nous n’étions pas hostiles au juge unique, nous avions toujours demandé une révision de la liste afin de ne soumettre au juge unique que des questions juridiques simples ou des affaires de faible enjeu. Mais le critère apparemment retenu est tout autre : le contentieux de masse. Nous avons souligné l’absence d’harmonisation en ce qui concerne la charge de travail du juge unique et de son commissaire. Dans certaines juridictions et pour certaines affaires, la norme est identique à celle de la formation collégiale ; dans d’autres juridictions, sur ces mêmes affaires, la norme peut être double ou triple. Pourtant quand ces dossiers sont examinés en formation collégiale, la norme reste, le plus souvent celle de la collégiale. Dans ces conditions, des chefs de juridiction inciteront leurs magistrats à passer ces dossiers en formation de magistrat statuant seul, quelle que soit leur difficulté.

Etat du projet :

Le groupe de travail sur le juge unique, après avoir pris connaissance des propositions émises par certains chefs de juridiction, est parvenu aux conclusions suivantes qui ne constitueraient pas encore le projet du Conseil d’Etat, encore moins celui du gouvernement.

Sur les conditions pour être juge unique :

Plus aucune condition ne serait posée.

Nous avons exprimé notre inquiétude par rapport à cette suppression et avons rappelé que nous proposions de remplacer la condition de grade par une condition d’ancienneté : 3 ou 4 ans d’ancienneté pour devenir juge unique. Mme FOMBEUR a suggéré une condition alternative : soit avoir x années d’ancienneté soit être premier conseiller pour éviter que de jeunes premiers conseillers ne soient « déchus » de leur qualité de juge unique. En tout état de cause, rien n’empêche de prévoir des mesures transitoires.

Sur le renvoi à la formation collégiale :

L’idée, émise par certains, de prévoir un renvoi automatique en formation collégiale, dès que le commissaire en ferait la demande, n’a pas été retenue. Rappelons que le nouvel article R 222-19 du code de justice administrative prévoit que le président du tribunal ou le magistrat statuant seul peut renvoyer à la formation collégiale de sa propre initiative ou sur proposition du commissaire. Le groupe de travail a considéré que donner ce pouvoir au commissaire irait au-delà de son rôle traditionnel qui n’est jamais décisionnel.

Sur la liste des matières relevant du juge unique :

En matière d’urbanisme :
-  sortie des déclarations de travaux
-  entrée des certificats de conformité et des déclarations de clôture
-  interrogations sur les certificats d’urbanisme.

Il a été observé que cette nomenclature risquait d’être modifiée par les projets de réforme du droit de l’urbanisme.

En matière de fonction publique :
-  sortie des tableaux d’avancement et des listes d’aptitude
-  précision rédactionnelle sur la notion d’entrée en service.

Suppression des litiges relatifs au service national pour tenir compte de l’état du droit.

En matière de responsabilité :
-  alignement du montant du plafond sur celui en vigueur dans les tribunaux judiciaires : 10.000 euros.
-  Entrée de tous les litiges non fiscaux tendant au versement d’une somme ou à la décharge d’une somme inférieure à 10 000 euros.

Les deux organisations syndicales ont suggéré de renvoyer directement au texte fixant la somme actuellement retenue dans les juridictions judiciaires, dans un souci de simplification. Ou, inversement, de rendre le code de l’organisation judiciaire suiveur du code de justice administrative.

En matière de police :
- entrée des permis de conduire . Le SJA a fait remarquer que les retraits de points ou de permis pouvaient être des sanctions particulièrement lourdes pour ceux qui se servent de leur véhicule comme outils de travail.

- entrée des refus de titre de séjour ; en sont exclus les refus de renouvellement de titre. Le SJA a rappelé qu’il avait déjà fait savoir qu’il était opposé à cette mesure. Tout en soulignant que nous devions encore en délibérer au syndicat, j’ai souligné à titre personnel, les risques que me semblait comporter cette mesure : aucune garantie contre la subjectivité du magistrat, très forte en ce domaine, et aucune protection vis-à-vis des parties et de l’opinion publique, dans un contexte particulièrement sensible sur ce sujet. Enfin, contrairement à nos critères, l’enjeu de ce contentieux est évidemment très important pour les intéressés.

En matière sociale :
-  entrée de toutes les aides au logement et à l’habitat.
-  Entrée du contentieux relatif aux inscriptions sur la liste des demandeurs d’emploi, au revenu de remplacement, aux aides aux travailleurs privés d’emploi,
-  Entrée des litiges relatifs aux décisions des commissions des droits et de l’autonomie des personnes adultes handicapées et aux cartes de stationnement pour personnes handicapées.

En ces matières, on pourra remarquer qu’à peine attribué aux juridictions administratives de droit commun, ce contentieux relatif aux personnes handicapées est orienté vers le juge unique.

En matière d’enseignement : Entrée des contentieux liés à la situation individuelle des élèves du premier et du second degré à l’exclusion des affaires disciplinaires. Nous avons été étonnés que l’enseignement supérieur soit traité différemment du primaire et du secondaire.

Nous avons souligné que cette réforme pourrait être interprétée comme allant vers une justice de classe : un seul juge, désigné sans aucune condition pour les pauvres, les chômeurs, les adultes handicapés, les étrangers. Pour les autres, le luxe de la collégialité.

Appel : Il est maintenu pour toutes les nouvelles matières attribuées au juge unique.

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Au nom de l’USMA, nous avons indiqué que nous ne prendrions pas position avant notre prochain conseil syndical qui a lieu le 16 septembre 2005 (voir le relevé de conclusions sur le site).