Compte-rendu de la visite de la CAA Paris – 29 janvier 2019

 

Compte rendu de visite de la Cour administrative d’appel de Paris

29 janvier 2019

 Une délégation de l’USMA (Ophélie Thielen, Viviane André, Ivan Pertuy) s’est rendue à la cour administrative d’appel de Paris ce 29 janvier. Nous remercions chaleureusement le Président Frydman et l’ensemble des magistrats présents pour l’accueil qu’ils nous ont réservé.

Situation de la Cour

 Situation générale 

Le ressort de la Cour administrative d’appel de Paris couvre les tribunaux administratifs de Paris et de Melun, ainsi que ceux de Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna.La Cour sera par ailleurs prochainement destinataire de dossiers de la cour administrative d’appel de Bordeaux, compétente pour le reste des territoires ultramarins (environ 300 dossiers).

La Cour est compétente pour juger en dernier ressortdes litiges mentionnés à l’article R. 311-2 du code de justice administrative et cette compétence a été récemment enrichie par le contentieux des opérationsd’urbanisme, d’aménagement et de maîtrise foncière afférentes aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024(décret n° 2018-1249 du 26 décembre 2018).

Elle prend en charge également depuis le 1erjanvier 2019 le stock et le flux résiduels de certains contentieux de la commission centrale d’aide sociale(300 dossiers en stock), par application du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale.

La Cour est actuellement composée de huit chambres. L’une des neuf chambres a été récemment supprimée car trois chambres n’ont qu’un seul rapporteur (outre le président-assesseur).

43 magistrats officient à la Cour.

Points positifs de la Cour

Les délais de jugement sont très courts et l’état des stocks très bon, du fait d’une baisse régulière des entrées depuis plusieurs années.

Les magistrats présents décrivent une ambiance de travail agréable, des relations conviviales entre collègues, entretenues par le chef de juridiction qui porte une attention particulière à faire vivre la collectivité juridictionnelle par des rendez-vous réguliers.

La Cour est par ailleurs le siège de conférences de haut niveau « Les mardis de l’hôtel de Beauvais[1] ».

La Cour est logée dans l’hôtel de Beauvais,monument historique du XVIIème siècle situé à deux pas de la station de métro Saint-Paul, qui a fait l’objet d’une importante rénovation avant que la Cour ne s’y installe http://paris.cour-administrative-appel.fr/La-cour-administrative-d-appel/Histoire-de-la-cour.

Le contentieux de la Cour est très intéressant, puisqu’il combine les dossiers de deux juridictions, Paris et Melun, souvent médiatisés ou d’intérêt national, et dont les enjeux, notamment financiers, peuvent être très importants.

Points négatifs de la Cour

Paradoxalement, d’un stock de dossiers réduit peut naître une difficulté tenant à la mise en état des dossiers récents, et les chambres doivent user de mesures d’instruction au délai de réponse raccourci, encourant le risque de disposer d’une défense insuffisamment aboutie.

Et si l’hôtel de Beauvais est un magnifique bâtiment, il n’est pas nécessairement adapté à tout point de vue au fonctionnement d’une juridiction. Les greffes de chambre sont peu accessibles (il est nécessaire de descendre entre trois et cinq étages et d’en remonter autant pour atteindre l’aile dans laquelle sont installés certains de ces greffes) et les relations entre magistrats et greffiers sont essentiellement téléphoniques ou électroniques, le service du courrier passant régulièrement dans les couloirs pour permettre les échanges physiques de dossiers.

La dématérialisation et le VPN, certes utiles, ont encore davantage incité au travail à domicile, au point que le nombre de magistrats présentssimultanément est parfois faible.

Enfin, le travail sur dossiers dématérialisés est de principe(seuls sont imprimés les dossiers d’urbanisme, de responsabilité hospitalière, de marchés publics et de salariés protégés, ainsi que certains dossiers relevant d’autres matières particulièrement complexes ou volumineux).

Organisation de la visite

Nous avons tout d’abord rencontré M. le président Frydman, qui nous a accueillis très agréablement et que nous remercions d’avoir facilité autant que possible le déroulement de la visite.

Une réunion, tenue en présence de M. le Président Frydman, a permis d’évoquer certains débats nationaux. Une visite des bureaux a ensuite permis de compléter ces discussions en recueillant la parole individuelle des magistrats.

Teneur des débats :

La Cour, très difficile à rejoindre (il faut, sauf année exceptionnelle, plus de dix ans d’ancienneté en poste pour espérer une mutation en son sein), est par nature comblée de premiers conseillers promouvables. Le tableau d’avancement ne prend pas suffisamment en compte cette concentration particulière et le délai d’attente pour le passage au grade de président est particulièrement long. Les magistrats ont témoigné d’une relative incompréhension des dispositifs de promotion, qu’il s’agisse des choix des présidents de chambre ou de chefs de juridiction, et font le vœu de voir accrue la transparence de la procédureconduisant à la présentation des candidats devant le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

La dématérialisationa été également au cœur des discussions. Les magistrats soulignent que le travail dématérialisé est souvent impraticable, et en tout état de cause très inconfortable, pour deux raisons. La première est structurelle : un dossier d’appel comporte l’entièreté du dossier de première instance, outre celui de l’appel (et de cassation, en cas de renvoi par le Conseil d’Etat, toute la procédure étant alors incluse dans un seul fichier…). La seconde est conjoncturellemais rend la dématérialisation de plus en plus problématique pour le travail des magistrats : libérés de l’impression, les avocats ne trient plus leurs pièceset profitent à l’envi des assouplissements de l’indexation autorisés par la jurisprudence[2]. Reste la possibilité d’imprimer et les magistrats ont souligné, comme lors de notre précédente visite à Montreuil, que le temps passé par des hauts fonctionnaires à imprimer ne leur paraissait pas une utilisation optimale de leurs compétences.

Les entretiens individuels avec les magistrats ont été placés sous le sceau de la confidentialité. A l’issue de la visite, nous avons évoqué avec M. le Président Frydman les requêtes collectives et les situations individuelles que les magistrats ont souhaité lui voir transmettre.

Notre prochaine visite sera organisée au tribunal administratif de Lille.

 [1]Le jour de notre visite était organisée une conférence sur « La France dans la crise migratoire européenne : une situation singulière », avec Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, et Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au Centre de recherches internationales de Sciences Po, animée par Louis Boré, président de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

[2]CE, 5 octobre 2018, n°418233, publié au recueil, et très récemment, 6 février 2019, n°415582, SARL Attractive Fragrances et Cosmetics, mentionné aux tables.