Quelle assise constitutionnelle pour la justice administrative ?

Nous reproduisons ici cet article paru dans la Gazette des communes

Quelle assise constitutionnelle pour la justice administrative ?

Une proposition de loi déposée récemment à l’Assemblée nationale vise la consécration dans la Constitution de l’ordre juridictionnel administratif. Nécessité ou gadget ?

« Le juge administratif joue un rôle croissant dans la protection des libertés. » C’est de ce constat que part Laurent Garcia, député (Modem) de Meurthe-et-Moselle pour proposer une consécration constitutionnelle de l’ordre juridictionnel administratif dans une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 7 février dernier.

Un rôle partagé avec l’institution judiciaire, celle-ci ayant pour mission la protection de la liberté individuelle, pendant que la juridiction administrative contrôle les mesures prises par les autorités publiques pour la sauvegarde de l’ordre public. Ce dernier est ainsi, par exemple, juge de toutes les mesures de police administrative. Dans l’exposé des motifs, le député précise que « le juge administratif a notamment pour fonction de réguler l’action de l’administration dans l’intérêt public, le recours pour excès de pouvoir constituant l’arme principale mise à la disposition du citoyen pour défendre la légalité ».

Toujours plus de procédures

Ainsi, le juge de l’excès de pouvoir garantit une conciliation entre liberté et sécurité. Lorsqu’il examine la légalité d’une mesure portant atteinte aux droits fondamentaux des personnes, il vérifie que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit. Pour assurer cette mission, le juge administratif a vu les outils mis à sa disposition élargis avec le temps. La loi n° 82-213 du 2 mars 1982 a, par exemple, mis en place le « déféré-liberté ». La loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 a, quant à elle, réformé les procédures de référé et permis de développer une véritable culture de l’urgence au sein des juridictions administratives. Ces dernières ont encore vu leur mission de sauvegarde des libertés accentuée par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017, ce texte leur attribuant compétence pour se prononcer sur la légalité de la fermeture des lieux de culte, ainsi que sur les mesures individuelles de contrôle et de surveillance.

Défiance

Malgré tout cela, il existe, selon Laurent Garcia, « un décalage entre la confiance apparente des pouvoirs publics dans les garanties d’impartialité qu’offre le juge administratif et la défiance de nature que continue d’alimenter la faiblesse de son statut constitutionnel ». C’est pourquoi il propose d’inscrire dans la Constitution le statut et les missions confiées à l’ordre juridictionnel administratif.

Mais l’indépendance du juge administratif, ainsi que ses compétences, a déjà été dotée d’une assise constitutionnelle. C’est en vertu d’un principe à valeur constitutionnelle que le juge administratif est seul compétent pour annuler ou réformer des décisions prises dans l’exercice de prérogatives de puissance publique. Ce qu’a d’ailleurs explicité le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987. Pour couronner le tout, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 pose qu’il appartient à chaque juridiction suprême d’assurer en coopération la protection des droits et libertés garanties par la Constitution. Telle est la signification de l’article 61-1 de la Constitution.
A-t-on besoin d’une révision constitutionnelle de plus ?