Interview d’Edith Zeller, présidente autrichienne de l’Association européenne de juge administratifs (AEAJ)

A l’occasion de sa réadhésion à l’AEAJ, l’USMA a eu l’occasion de s’entretenir avec sa présidente, Mme Edith Zeller.

Cette interview a été réalisée en anglais. Vous trouverez la traduction française à la suite.

Dear colleagues,

Furthermore, the standing of the parties to the case is particular in administrative proceedings, as in administrative judicial cases we face the need to balance between individual interests  versus public interests as well as to guarantee fundamental rights to citizens. In addition, let me stress that it is also quite typical for administrative judicial proceedings that generally one of the parties to the case – the executive power – is supposed to be more powerful. This has also special implications on administrative judicial proceedings, e.g. to guarantee equality of arms, decisions within a reasonable time and to guarantee structural (outer) independence.

Finally, due to different historic developments also the developments of administrative jurisdictions differs, legal theories differs and this has the effects to have a quite broad variety of different systems of administrative jurisdictions in each of our countries today.

So, what is our specific roles as administrative judges? Apart of the above mentioned structural points – on the basis of which we need to defined our specific roles in our respective adjudicating process –  , we have a role in some matters to exercise judicial restraint and in other areas to defend the rule of law and speak out in order to defend independence.

All these basic considerations are also reflected in the statutory aims of AEAJ.

Formally spoken, AEAJ is a European-wide apex organization that consists of national associations, which represent administrative judges. In those European countries, in which such associations do not exist, an option is open between the membership of a general judges association and individual membership. Membership is open to all countries represented in the Council of Europe.

Let me be more precise: all the above mentioned fundamental issues play an important role for the daily work of the association:

First, it is the exchange and most of all debate between judges, which can uniform the application and develop law. Therefore, we have installed four AEAJ-working groups on asylum law, taxation law, environmental law and on general structural issues of administrative jurisdiction, namely independence and efficiency of administrative jurisdiction. Colleagues of ours chair these four working groups and we have constant network in between the members of the working groups and meetings once a year of each of these working groups.

Secondly, apart of structural issues on independence and efficiency of administrative jurisdictions, the value of rulings and the right to an independent and impartial tribunal have become very topical issues. It is hard to find proper words for the situation of judiciaries in Turkey or in Poland and hardly believable what a disaster such blatant attacks on the fundamental principles of rule of law have on judges, on judiciaries and on societies. In addition, we must be aware that these are questions of relevance for all of us in each of our European countries, as we are all European judges. AEAJ has taken clear standpoints when red lines have been trespassed. As a European judicial association, we do not only support our colleagues as much as possible but also to share information within AEAJ widely as well as to address specific problems publicly.

We are honoured that USMA (with it French colleagues who are members with USMA) is now member of AEAJ. It will be possible to contribute to rule of law, to independence of administrative judiciaries and to further develop law only united. We are extremely happy that we have again a French colleague, Sylvain Merenne, as Vice-President in the board of AEAJ. In addition, we are equally delighted that a French colleague, Camille Vinet, specifically supports the work of the board of AEAJ with respect to issues of equity, diversity and inclusion.

Thus I am convinced that we are fit and robust to address upcoming issues adequately.

Many thanks for the collaboration. With our joint efforts we will successfully persecute our joint aims.

Chers collègues,

La justice administrative est particulièrement importante pour les particuliers. S’il est fort probable que très peu de citoyens seront impliqués dans des procédures civiles ou pénales au cours de leur vie, nombre d’entre eux seront probablement appelés à saisir les juridictions administratives.  De plus, en tant que juges administratifs, nous devons être conscients que nous incarnons la justice pour les citoyens de nos pays qui demandent réparation devant un juge. Cela soulève des questions d’éthique et d’intégrité.

Par ailleurs, la place des parties est particulière dans le procès administratif et nous devons établir un équilibre entre les intérêts individuels et les intérêts publics mais aussi garantir les droits fondamentaux des citoyens. Permettez-moi de souligner qu’il est tout à fait classique dans le procès administratif que l’une des parties à l’affaire — le pouvoir exécutif — soit en situation de pouvoir. Cela implique d’autres spécificités pour maintenir l’égalité des armes, assurer le rendu de décisions dans un délai raisonnable et garantir structurellement l’indépendance objective des juridictions administratives.

Enfin, du fait de nos héritages historiques, nos juridictions administratives diffèrent, nos droits diffèrent, ce qui se traduit par la grande variété des juridictions administratives dans chacun de nos pays aujourd’hui.

Alors, quel est notre rôle spécifique en tant que juges administratifs ? Outre les points fondamentaux mentionnés ci-dessus — sur le fondement desquels chaque juge national doit définir son rôle particulier dans nos processus de jugement respectifs – , nous devons faire montre de retenue sur certains sujets mais aussi savoir prendre la parole pour défendre l’État de droit et notre indépendance.

Toutes ces considérations fondamentales se traduisent dans les objectifs statutaires de l’AEAJ.

Formellement, l’AEAJ est une organisation à l’échelle européenne composée d’associations nationales représentant les juges administratifs. Dans les pays européens où de telles associations n’existent pas, l’adhésion peut se faire à travers l’adhésion d’un syndicat de magistrats, ou par le biais d’adhésions individuelles. L’adhésion est ouverte à tous les pays représentés au Conseil de l’Europe.

Pour être plus précise : toutes les questions fondamentales mentionnées ci-dessus jouent un rôle important dans le travail quotidien de l’association:

Premièrement, c’est l’échange et le débat entre juges qui peuvent uniformiser l’application du droit et assurer son développement. Par conséquent, nous avons mis en place quatre groupes de travail AEAJ sur le droit d’asile, le droit fiscal, le droit de l’environnement et sur les questions structurelles générales de la juridiction administrative, à savoir l’indépendance et l’efficacité de celle-ci. Les membres du conseil d’administration président ces quatre groupes de travail, nous entretenons des échanges constants avec les membres de ces groupes qui se réunissent une fois par an.

Deuxièmement, outre les questions structurelles relatives à l’indépendance et à l’efficacité des juridictions administratives, la qualité des décisions et le droit à un tribunal indépendant et impartial sont devenues des questions d’actualité. Il est difficile de trouver des mots appropriés pour évoquer la situation des magistrats en Turquie ou en Pologne et on peine à croire l’étendue du désastre causé par les attaques portées contre les principes fondamentaux de l’État de droit sur les juges, les systèmes judiciaires et les sociétés. Nous devons être conscients qu’il s’agit de questions qui nous concernent tous, dans chacun de nos pays, car nous sommes tous des juges européens. L’AEAJ a pris des positions claires lorsque des lignes rouges ont été franchies. En tant qu’association judiciaire européenne, non seulement nous soutenons nos collègues dans toute la mesure du possible, mais nous échangeons des informations et prenons la parole publiquement sur certains sujets.

Nous sommes honorés que l’USMA (et les collègues français qui en sont membres) soit désormais membre de l’AEAJ. Ce n’est qu’unis que nous pourrons contribuer à l’état de droit, à l’indépendance des magistrats administratifs et au développement du droit. Nous sommes extrêmement heureux de compter à nouveau un collègue français, Sylvain Merenne, en tant que vice-président du conseil d’administration de l’AEAJ. Nous sommes également ravis qu’une collègue française, Camille Vinet, participe au travail du conseil d’administration de l’AEAJ sur les questions d’équité, de diversité et d’inclusion.

Je suis donc convaincue que nous sommes prêts à affronter efficacement les défis qui s’annoncent.

Merci pour votre collaboration. Grâce à nos efforts conjoints, nous poursuivrons avec succès nos objectifs communs.