Fiche n° 5 : VOUS renouez avec l’esprit collectif qu’exige la pratique de notre métier 

Fiche n° 5 : VOUS renouez avec l’esprit collectif qu’exige la pratique de notre métier 

Nous partageons tous la volonté de conserver un sens à nos vies comme à notre métier. 

Pourtant, les cadences sont toujours plus élevées, la productivité des rapporteurs est souvent seule récompensée et la qualité des décisions sacrifiée sur l’autel de l’efficacité. 

Les rapporteurs sont tellement pris à la gorge qu’ils ne parviennent plus à respecter les délais de remise des projets et notes. Le rapporteur public n’est plus mis en mesure de faire son travail correctement, et il est prié de ne plus regarder les dossiers sur lesquels il peut se dispenser.

Conviés à des réunions mensuelles durant lesquelles leur sont toujours rappelés les impératifs statistiques de la juridiction, les présidents de chambre se trouvent intégrés, souvent à leur corps défendant, dans une « équipe de direction ». Ils n’y sont que rarement entendus lorsqu’ils essaient de faire remonter les difficultés. Ceux qui font barrage à la pression statistique se trouvent mis en concurrence directe avec leurs collègues « plus productivistes », notamment là où l’abandon de la norme est expérimenté. Leur fonction s’est beaucoup dégradée en quelques années et ils ont peu d’occasion de l’exprimer.  

Chacun étant écrasé par ses propres contraintes, vous constatez que la solidarité indispensable à tout travail collégial s’amenuise progressivement, et que les relations avec le greffe peuvent se tendre.

Ensemble, vous avez la possibilité de redonner du sens.

Pour que les impératifs gestionnaires descendants n’écrasent pas, isolément, chacun d’entre nous, la chambre doit être une équipe, un collectif soudé. Il ne s’agit pas d’être responsables les uns des autres ou de compenser le travail d’un collègue mais de pouvoir dire ensemble ce qui est ou non possible afin que cela soit enfin entendu. Que la norme soit ou non abandonnée dans votre juridiction, nous vous invitons à fixer le point de rupture au-delà duquel vous considérez que votre métier ou votre vie perd de son sens. 

Comment ? En déterminant collectivement, dans le cadre et au sein de votre chambre, un bouclier qui vous protège des objectifs déraisonnables.

A la fin de cette année judiciaire au plus tard, grâce à la comptabilisation du temps consacré à la préparation des dossiers, vous disposerez d’un recul sur cette question. En attendant, vous savez tous à quelle cadence vous avez été soumis, quelles sont les charges administratives et para-contentieuses qui ont été les vôtres, quel est le poids des permanences dans votre juridiction, et vous avez tous un avis sur les questions de savoir si l’équilibre entre votre vie privée et professionnelle est satisfaisant et si vous disposez d’un temps suffisant pour fournir un travail de qualité. 

Alors faites-vous confiance. Personne n’est mieux placé que vous pour le savoir.

Dimitri, de son côté, dans sa juridiction, considère qu’avec un peu plus d’expérience, il pourra plus facilement atteindre les 162 dossiers traités péniblement l’an dernier. Il considère qu’entre 155 et 165 dossiers, il parviendra à conserver du sens à sa vie et à son métier.

Dimitri Bunal, Artémis Endemeure et Audrey Féré, rapporteurs, Salomé Moire, rapporteure publique, et Nora Lebol, vice-présidente, décident donc de se réunir, pour convenir ensemble d’une fourchette de dossiers au-delà duquel ils considèrent que leur métier perdra du sens. 

Au sein de la 2ème chambre du TA de Perpignan, le bouclier annuel est ainsi déterminé :

Dimitri Bunal (qui a 5 ans d’expérience mais qui débute dans la matière fiscale) : 155 à 165 dossiers.

Artémis Endemeure (qui est un fiscaliste reconnu et expérimenté) : 170 à 180 dossiers.

Audrey Féré (qui sort de la formation initiale et bénéficie de 6 mois à mi-norme) : 115 à 125 dossiers.

Total dans la chambre : 440 à 470 dossiers. 

Le bouclier de la 2ème chambre au TA de Perpignan, fixé collectivement par les rapporteurs, et en concertation avec le rapporteur public et le vice-président, est de 440 à 470 dossiers… là où la norme en vigueur est de 550 dossiers. Ce bouclier est plus protecteur que la norme. Il correspond à une réalité. Il ne dérive pas avec le temps. Il n’est pas le résultat à atteindre mais la limite qu’il semble déraisonnable de dépasser. Il permet de mesurer le décalage entre l’impératif gestionnaire de couverture des entrées et ce qui est véritablement réalisable par les équipes de magistrats. 

Salomé Moire, rapporteure publique au sein de la chambre, profitera de ce bouclier, qui lui permettra de consacrer le temps nécessaire à la rédaction de ses conclusions, outre que cela permettra à ses rapporteurs de ne jamais sacrifier le rythme de remise des dossiers et de respecter le calendrier. 

Nora Lebol, présidente de cette chambre, en bénéficiera également, ce qui lui permettra de consacrer le temps nécessaire à la révision des jugements, à la formation d’Audrey Féré, primo-affectée, à l’encadrement de son assistant de justice, ainsi qu’à la prise en charge des référés de la chambre.

Action n° 5 : Magistrats de l’ordre administratif, réinventez les solidarités de chambre en déterminant une fourchette de dossiers susceptibles de pouvoir être traités sans perte de sens !