Compte-rendu CSTCAA – 13 novembre 2018

CONSEIL SUPÉRIEUR DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

ET COURS ADMINISTRATIVES D’APPEL

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Réunion du mardi 13 novembre 2018

à 09h30

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Le compte rendu est présenté selon le schéma suivant :

Teneur de la demande d’avis (en caractères normaux)

Avis de l’USMA (en gras)

Position du CSTACAA   encadré

  1. Examen pour avis d’un projet de décret modifiant le 10 de l’article 1erdu décret n° 2007-914 et le 8° de l’article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure.

Le projet de décret soumis à l’avis du Conseil supérieur a pour objet de modifier le 8° de l’article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure afin que le régime dérogatoire relatif au contentieux de la mise en œuvre des droits d’accès indirects aux données contenues dans certains traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l’Etat, relevant de la compétence du Conseil d’Etat, soit généralisé à l’ensemble des données contenues dans Startrac, et non plus seulement aux seules données de ce système informatique, mis en œuvre par Tracfin, intéressant la sûreté de l’Etat.

Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel a rendu un avis favorable sur le projet de décret qui lui est soumis. 

  1. Information sur un projet de décret pris pour l’application du titre III de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie et portant modification du code de justice administrative (partie réglementaire) et un projet de décret pris pour l’application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie et portant diverses dispositions relatives à la lutte contre l’immigration irrégulière, au traitement de la demande d’asile et aux conditions d’accueil

La Section des travaux publics du Conseil d’Etat a précisé que les textes qui ont « directement pour objet de régir l’organisation et le fonctionnement » des tribunaux et cours doivent donner lieu à consultation « pourvu que (…) leurs effets soient suffisamment significatifs » (fiche à l’annexe 3 du rapport d’activité du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel). Dès lors que les projets de décrets se bornaient à mettre en œuvre les principes découlant directement de la loi, il a été décidé de ne soumettre ces textes qu’à une simple information du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel.

Toutefois, dès lors l’article L. 232-3 du code de justice administrative prévoit que le Conseil supérieur est « consulté sur toute question relative à la compétence, à l’organisation et au fonctionnement des juridictions », et que les dispositions examinées ce jour auront des effets significatifs sur l’activité, l’organisation et le fonctionnement de la juridiction administrative, l’USMA s’interroge sur la validité d’un tel procédé. 

Elle entend veiller à ne pas admettre une pratique pouvant exclure, de fait, la saisine pour avis du Conseil supérieur, s’agissant des décrets d’application qui, par définition, mettent en œuvre, dans le détail, ce que la loi a « tranché ».

Vos représentants ont en tout état de cause exposé l’avis de l’USMA sur certaines de ces nouvelles dispositions règlementaires.

L’USMA a été reçue en novembre 2017 au cabinet du ministre de l’intérieur, à deux reprises par chacune des deux assemblées, par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme et par la commission des lois s’agissant du bilan des deux lois immigration précédentes. Notre discours a été constant mais est demeuré malheureusement sans effet notable sur le texte de la loi et celui du décret.

A- L’USMA a fait part de son avis très défavorables agissant dispositions suivantes :

– Modification de l’article R. 776-17 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et nouvelle extension de la compétence du juge unique de permanence pour connaître des refus de titres de séjour, lorsqu’il est compétent sur l’OQTF. 

Le juge statuant seul, du fait même de sa solitude, est d’abord plus sujet à l’erreur puisqu’il ne peut, par la confrontation constructive des points de vue, éprouver son interprétation des textes et son appréciation des situations dans un cadre collégial. C’est un juge qui, malgré l’implication de chacun, ne peut présenter une garantie équivalente à celle qu’offre une formation collégiale.

C’est un juge qui, ensuite, assume seul des décisions humainement très difficiles. Appliquer la loi avec conscience est une quête plus aisée à mener dans un cadre collégial et constitue une mission parfois très perturbante pour le juge qui statue seul.

Enfin, et plus prosaïquement, le juge qui statue seul est un juge qui est de permanence, c’est-à-dire qui voit son travail collégial ordinaire et souvent sa vie personnelle, perturbés par des périodes de plus en plus nombreuses où il doit être disponible et corvéable.

L’USMA ne peut que constater les effets très négatifs de l’extension du champ d’intervention du juge statuant seul en droit des étrangers, qui porte atteinte au sens même de notre mission.

– Modification de l’article R. 512-2 du code de justice administrative et de l’article R. 776-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’extension du juge statuant seul, en urgence, à un nouveau contentieux, celui de la suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement entre la décision de rejet de la demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et l’arrêt de la Cour nationale du droit d’asile, est véritable un non-sens. 

Nous allons, dans ce cadre, être responsables de l’éloignement de demandeurs d’asile au risque d’être contredits, au mieux par la CNDA, au pire par ce qui arrivera à l’étranger éloigné en cas de retour dans le pays qu’il fuit, alors même que nous ne disposons ni des compétences, ni des connaissances, ni des ressources documentaires dont disposent l’OFPRA et la CNDA. 

Cette disposition, qui va considérablement alourdir la charge des permanences (10 000 requêtes attendues selon la commission des lois du Sénat), nous apparaît vraiment déraisonnable.

B- L’USMA a fait part de son avis défavorables’agissant des dispositions suivantes :

– Conjonctions de mesures défavorables concernant les demandeurs d’asile (modifications du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : 

Après avoir potentiellement décrit sa situation par téléphone à l’OFPRA en application du nouvel article R. 213-4, le demandeur d’asile dont l’éloignement aura été suspendu par un juge unique insuffisamment informé en application de l’article R. 512-2, pourra voir son recours devant la CNDA traité, de manière imposée, par visio-audience (nouvel article R. 733-20).

Il y a ici une conjonction de nouvelles dispositions particulièrement défavorables aux demandeurs d’asile et à l’exercice de la fonction de juger leur situation, fonction envisagée avec beaucoup trop de légèreté. 

C- L’USMA a fait part de son avis défavorable sous réserve s’agissant des dispositions suivantes :

L’USMA propose un avis défavorable sous réserve s’agissant de l’article 11 du décret, pris isolément, nouvel article R. 213-4, car l’audition par l’OFPRA par téléphone est prévue « en cas de besoin », sans autre précision. Le flou de la notion, qui pourrait aisément être précisée, est source de contentieux.

Le nouvel article 10 (R. 561-2) prévoit que les demandeurs d’asile pourront être assignés dans une région française. L’USMA n’a pas d’opposition de principe sur ce point, mais conteste le fait que le texte ne prévoit aucune réserve tenant à la vie privée et familiale. 

  • Etablissement d’un tableau d’avancement complémentaire au grade de président.

L’examen de ce tableau d’avancement a été l’occasion d’interroger le Conseil supérieur sur la façon dont le principe d’équivalence, visant à déterminer l’année de référence à prendre en compte pour les candidats issus du détachement, pour l’accès au grade de président, est mis en œuvre. L’USMA revendique à cet égard une plus grande transparence et objectivité des critères mobilisés.

Pour rappel, cette règle, établie dans un souci de ne pas pénaliser les magistrats ayant intégré le corps après une expérience significative dans un corps de niveau équivalent, admet de retenir une équivalence entre les services accomplis dans le corps et les services accomplis dans un corps équivalent. 

Les orientations du Conseil supérieur tendent, pour l’heure, à évaluer cette équivalence sans automatisme, donnant aux chefs de juridiction et magistrats concernés une sensation de flou dans l’interprétation, peu respectueuse de l’égalité de traitement. 

L’USMA, qui a procédé à des comparaisons en séance sur ce point entre les dossiers de certains promouvables, souhaite que le groupe de travail « carrière » puisse proposer une clarification à ce titre.

L’USMA félicite l’ensemble des collègues concernés les nominations et les avancements de grade.