Communiqué de presse : grève inédite des magistrats administratifs contre la réforme de la haute fonction publique qui menace la justice administrative

Afin de manifester leur opposition au projet d’ordonnance portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique, les deux organisations syndicales de magistrats administratifs ont déposé un préavis de grève inédit pour les 18, 19 et 20 mai 2021.

Un récent sondage réalisé par notre organisation syndicale, auquel plus de 580 magistrats ont répondu, montre que la majorité des magistrats administratifs sont contre les conséquences que ce projet de réforme emporte pour la justice administrative.

Réformer l’ENA, transformer la haute fonction publique, mêler à cela les corps de contrôle et les corps juridictionnels, qui devraient bénéficier de garanties d’indépendance, sans procédure parlementaire, sans aucune concertation avant un discours d’annonces précipité par le terme d’une habilitation législative au 6 juin prochain a déjà de quoi surprendre. La procédure n’est pas à la hauteur de l’enjeu.

Au-delà de la méthode, les éventuels objectifs ne sont compris ni par les citoyens ni par les principaux intéressés qui sont soucieux de rendre une justice de qualité.

Le texte contient deux mesures, qui auront un impact important sur le métier de magistrat administratif, auxquelles nous nous opposons.

  • Le passage obligé des magistrats recrutés par la voie de l’ISP en administration pendant deux ans 

Aujourd’hui, les modes d’accès au métier de magistrat administratif offrent une grande diversité de profils, de compétences et d’expériences dont chacun s’accorde à reconnaître le remarquable équilibre, entre des anciens fonctionnaires dits d’active (qui ont déjà exercé dans l’administration) et des jeunes magistrats entrés dans la carrière après avoir passé un concours difficile accès sur la très bonne connaissance du contentieux administratif. L’âge moyen d’entrée comme magistrat oscille entre 34 et 37 ans et demi. Autant dire que la grande majorité des magistrats administratifs a déjà une expérience professionnelle.

Si le projet ne remet pas en cause les concours, il ajoute une étape pour certains futurs collègues issus de l’ISP, un passage obligé par l’administration pendant deux ans. Quel symbole !

  • Surtout, l’obligation d’effectuer deux mobilités pour avancer dans notre carrière

En ce qui concerne la carrière, actuellement les magistrats souhaitant devenir président d’une formation de jugement doivent avoir accompli une mobilité ou exercé leurs fonctions juridictionnelles dans une cour administrative d’appel.

Le texte modifie cela en imposant pour certains une double mobilité et en supprimant la possibilité de l’effectuer en Cour. Il s’agit d’une course d’obstacles supplémentaire.

Pour les jeunes magistrats, là aussi le symbole est désastreux : félicitations, vous avez réussi à devenir magistrat administratif, il est urgent de partir en mobilité ! Il en résultera, en outre, une désorganisation de juridictions déjà submergées.

Nullement négociée, insuffisamment préparée, cette réforme emporte des effets pervers graves. Hors de l’Ile de France, il est déjà très difficile d’accomplir l’unique mobilité exigée. Les parents, et en particulier les femmes, sont souvent les moins mobiles par nécessité et pour des motifs familiaux évidents. A terme, les conséquences seront réelles. 

Cette réforme manque également l’occasion d’unifier dans un seul corps les statuts de magistrats administratifs et de membres du Conseil d’Etat alors même que l’objet de la réforme pouvait s’y prêter.

Enfin, cette obligation de mobilité menace l’indépendance et l’impartialité de la justice.

Le Conseil constitutionnel est venu récemment rappeler que « Les fonctions de magistrat de l’ordre administratif doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent y consacrer leur vie professionnelle ». Or, cette réforme de la haute fonction publique va dans le sens d’un Etat de la confusion, ramenant les magistrats administratifs un peu plus dans le giron de l’administration et s’éloigne des standards européens en matière de justice. Cette obligation de mobilité renforcée comporte des risques pour notre indépendance et notre impartialité, tout en écornant le principe d’inamovibilité. Aucune garantie supplémentaire n’est apportée telle que le port de la robe ou la constitutionnalisation de la juridiction administrative.  

Cette réforme constitue un déni de notre qualité de magistrat.

Pour toutes ces raisons, l’USMA a lancé un appel à la grève les 18, 19 et 20 mai 2021.

Pour plus de précisions sur les raisons de notre mobilisation et des informations sur cette réforme, vous pouvez nous contacter à usma@juradm.fr