Aéroport de Notre-Dame-des-Landes: CAA Nantes, 14 novembre 2016, n° 15NT02386

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes: CAA Nantes, 14 novembre 2016, n° 15NT02386

Vu la procédure suivante:

Procédure contentieuse antérieure:

I – L’association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), l’association de défense des exploitants des communes de Notre-Dame-des-Landes, Vigneux-de-Bretagne, Grandchamp-des-Fontaines, Héric, Treillières et communes limitrophes (ADECA), l’association Collectif des élus qui doutent de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CEDPA), Mme Françoise Verchère et M. Sylvain Fresneau ont demandé au tribunal administratif de Nantes:

– avant dire droit, de désigner, en application de l’article R. 625-3 du code de justice administrative, un amicus curiae avec pour mission de produire un avis sur les implications de la méthode de compensation analysée par le collège d’experts sur les dossiers de dérogation au titre des espèces protégées soumis par la société Aéroportsdu Grand Ouestet d’ordonner, en application de l’article R. 622-1 du code de justice administrative, le déplacement de la formation de jugement sur les lieux ;

– d’annuler l’arrêté n° 2013354-0009 du 20 décembre 2013 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé la société Aéroports du Grand Ouest à déroger aux interdictions de capture, d’enlèvement, de transport, de perturbation intentionnelle, de destruction de spécimens d’espèces protégées et de destruction d’habitats d’espèces protégées pour la réalisation de la plate-forme, du programme viaire de la voie communale VC 3 de l’Aéroport du Grand Ouest ;

– d’annuler l’arrêté n° 2013354-0014 du 20 décembre 2013 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé l’Etat à déroger aux interdictions de capture, d’enlèvement, de transport, de perturbation intentionnelle, de destruction de spécimens d’espèces protégées et de destruction d’habitats d’espèces protégées, pour la réalisation de la desserte routière de l’Aéroport du Grand Ouest;

d’enjoindre à l’Etat de procéder au réexamen des demandes de dérogation en application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative;

d’enjoindre aux bénéficiaires des dérogations d’interrompre les opérations autorisées et de remettre en état les lieux;

– de prononcer, en application de l’article L. 741-2 du code de justice administrative, la suppression des propos diffamatoires tenus dans leurs écritures par l’Etat et la société Aéroports du Grand Ouest.

Par un jugement n°1400329-1400339 du 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

II – L’association Bretagne vivante-SEPNB, l’association France Nature Environnement, l’association France Nature Environnement Pays-de-la-Loire, l’association Ligue de protection des oiseaux Loire-Atlantique, l’association Eaux et Rivières de Bretagne et l’association SOS Loire vivante / ERN France ont demandé au tribunal administratif de Nantes:

– d’annuler l’arrêté n° 2013354-0009 du 20 décembre 2013 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé la société Aéroports du Grand Ouest à déroger aux interdictions de capture, d’enlèvement, de transport, de perturbation intentionnelle, de destruction de spécimens d’espèces protégées et de destruction d’habitats d’espèces protégées pour la réalisation de la plate-forme, du programme viaire de la voie communale VC 3 de l’Aéroport du Grand Ouest ;

– d’annuler l’arrêté n° 2013354-0014 du 20 décembre 2013 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé l’Etat à déroger aux interdictions de capture, d’enlèvement, de transport, de perturbation intentionnelle, de destruction de spécimens d’espèces protégées et de destruction d’habitats d’espèces protégées, pour la réalisation de la desserte routière de l’Aéroport du Grand Ouest;

– de prononcer, en application de l’article L. 741-2 du code de justice administrative, la suppression des propos diffamatoires tenus dans ses écritures par la société Aéroports du Grand Ouest.

Par un jugement n°1401304-1401302 du 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour:

I – Sous le n° 15NT02386:

Par une requête et des mémoires enregistrés les 31 juillet 2015, 11 octobre 2016 et 25 octobre 2016, l’association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), l’association de défense des exploitants des communes de Notre-Dame-des-Landes, Vigneux-de-Bretagne, Grandchamp-des-Fontaines, Héric, Treillières et communes limitrophes (ADECA), l’association Collectif des élus qui doutent de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CEDPA), Mme Françoise Verchère et M. Sylvain Fresneau, représentés par Me Coïc,demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°)par un arrêt avant dire droit, 

– de désigner en tant qu’amicus curiae, en application de l’article R. 625-3 du code de justice administrative, M. Serge Muller, rapporteur au Conseil national de protection de la nature (CNPN) du collège d’experts scientifiques ou à titre subsidiaire, toute autre personnalité scientifique, avec pour mission de produire un avis sur les implications de la méthode de compensation analysée par le collège d’experts sur les dossiers de dérogation au titre des espèces protégées, et d’ordonner, en application de l’article R. 622-1 du code de justice administrative, le déplacement de la formation de jugement sur les lieux, accompagnée des spécialistes qu’il plaira à la juridiction de désigner;

– de saisir la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles suivantes

1-L’autorité administrative peut-elle délivrer plusieurs autorisations au titre de la législation relative aux espèces protégées (article 16 de la directive habitats) lorsqu’un maître d’ouvrage met en œuvre un seul et même projet global, tout en satisfaisant à l’exigence de mise en balance des intérêts portés par ledit projet ?

2- En cas de doutes sur l’absence d’atteinte à l’état de conservation d’une ou plusieurs espèce(s) protégée(s) au titre de la directive Habitats (article 16), l’autorité administrative est-elle tenue, en application du principe de précaution et du principe de protection stricte des espèces, de considérer que la dérogation ne peut être légalement accordée au maître d’ouvrage ?

3- Si le maître d’ouvrage d’un projet estime que la réalisation de mesures compensatoires est nécessaire au maintien du bon état de conservation dans leur aire de répartition naturelle d’une ou plusieurs espèces protégées, objet d’une autorisation dérogatoire de destruction, les autorités nationales ont-elles l’obligation de prendre en compte le principe de précaution dans l’analyse de la faisabilité et de l’efficacité des mesures compensatoires ?

2°) d’annuler le jugement n° 1400329-1400339 du 17 juillet 2015 du tribunal administratif de Nantes;

3°) d’annuler les arrêtés du 20 décembre 2013 du préfet de la Loire-Atlantique;

4°) d’enjoindre, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, d’une part, au préfet de la Loire-Atlantique, d’instruire à nouveau les demandes de dérogation présentées par la société Aéroports du Grand Ouest et par l’Etat, d’autre part, à ces derniers, d’interrompre les opérations autorisées et de remettre les lieux en l’état ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 10000 euros au titre de l’article 
L. 761-1 du code de justice administrative. 

Ils soutiennent que:

– le refus par le tribunal administratif de Nantes d’ordonner les mesures d’instruction qu’ils sollicitaient n’est pas suffisamment motivé;

– les arrêtés du 20 décembre 2013 du préfet de la Loire-Atlantique sont entachés d’irrégularité pour incompétence de leur signataire ; 

– ces arrêtés ne sont pas suffisamment motivés, s’agissant notamment de l’existence d’une solution alternative suffisante, et méconnaissent les dispositions de la loi du 11 juillet 1979

– ils sont entachés d’un vice de procédure; le Conseil national de protection de la nature n’a pas été régulièrement consulté; son avis du 5 juillet 2012 été émis au vu d’un dossier insuffisant; le rapport des experts scientifiques remis, le 9 avril 2013, constitue un changement important dans les circonstances de fait; le Conseil national de protection de la nature s’est de nouveau réuni à la suite de ce rapport, a émis, le 10 avril 2013, une motion concluant à la nécessité de mener des études complémentaireset a demandé à être de nouveau consulté sur les dossiers de demandes de dérogation ; ce second avis n’est pas visé dans les arrêtés litigieux; les arrêtés contestés auraient dû être précédés d’une nouvelle consultation du Conseil national de protection de la nature ;

– les dispositions de l’article 2 de l’arrêté du 19 février 2007 ont été méconnues; les dossiers de demandes de dérogation n’étaient pas completsen ce qu’ils ne portent pas sur l’ensemble des espèces protégées concernées ; les porteurs des projets ont présenté des dossiers de demandes de dérogation insuffisants et fractionnés, en méconnaissance des objectifs de la directive Habitats qui imposent d’inclure dans le champ de la dérogation toutes les espèces concernées par le projet, auxquelles ce dernier va porter atteinte;les développements consacrés à l’absence d’une autre solution satisfaisante et à l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeurs sont insuffisantsl’appréciation portée par le public et par le préfet sur les conditions tenant à l’absence d’une autre solution satisfaisante et à l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur auxquelles est subordonnée la délivrance des autorisations de dérogation, en vertu des dispositions de L. 411-2 du code de l’environnementa donc été viciée

les arrêtés du 20 décembre 2013 ont été pris en méconnaissance des dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, issues des directives européennes Oiseaux et Habitats ;ils ne satisfont pas aux conditions posées par cet article; le tribunal administratif a renversé la charge de la preuve en leur imposant de démontrer que le projet portera atteinte à l’état de conservation des populations d’espèces naturelles protégées dans leur aire de répartition naturelle et a commis une erreur de droit dans l’appréciation de cette condition; les mesures compensatoires prévues sont insuffisantes pour garantir le maintien dans un état de conservation favorable des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelledu fait de l’insuffisance de l’évaluation du besoin compensatoire, en l’absence de justification des coefficients retenus et compte tenu des lacunes des inventaires réalisés, de l’inadéquation de la méthode de globalisation des enjeux et réponses compensatoires et de l’inadéquation de la réponse compensatoire apportée en raison, notamment, de l’insuffisance des garanties tenant à leur mise en œuvre et à leur pérennité, du calendrier retenu, du recours à la contractualisation, de l’absence de prise en compte des corridors écologiques et de l’absence de chiffrage et de localisation précise des mesures compensatoires ;il n’est pas justifié du caractère additionnel des mesures compensatoires par rapport à celles envisagées par le périmètre de protection et de mise en valeur des espaces naturels et agricoles périurbains (PEAN) créé au nord de l’agglomération nantaise sur le secteur «des trois vallées»;le principe de précaution doit s’appliquer au stade de la détermination de l’atteinte à l’état de conservation favorable des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle;

– le rapport établi en mars 2016 par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) remet en cause les analyses de la direction générale de l’aviation civile (DGAC) en matière de nuisances sonores; il démontre que la construction d’un aéroport sur le site de Notre-Dame-des-Landes n’est pas indispensable et qu’il existe une autre solution satisfaisante

– les arrêtés contestés ont été pris en violation de l’article 16 de la directive Habitats et des exigences liées au principe de précaution; les porteurs des projets ont reconnu, dans leurs dossiers de demandes, la nécessité de mettre en œuvre des mesures compensatoires importantes pour assurer le maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces dans leur aire de répartition naturelle; l’absence d’atteinte à l’état de conservation de ces espèces repose exclusivement sur le succès des mesures compensatoires; dès lors, en l’absence de mise en œuvre de ces mesures compensatoires ou d’inefficacité de ces mesures, les espèces protégées ne pourront être maintenues dans un bon état de conservation, dans leur aire de répartition naturelle; la jurisprudence rendue sur ce point par la Cour de justice de l’Union européenne à propos de l’article 6 de la directive Habitats est transposable à l’article 16 de cette même directive; dans ces conditions, l’autorité préfectorale aurait dû prendre en comptele principe de précaution et refuser la délivrance des autorisations demandées ; 

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2016, la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat conclut au rejet de la requête. 

La ministre soutient que les moyens soulevés par l’association ACIPA et autres ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 septembre et 20 octobre 2016, la société Aéroports du Grand Ouest, représentée par Me Duval, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de chacun des requérants à lui verser la somme de 10000 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative. 

Elle soutient que:

– les moyens tirés, d’une part, de ce que les arrêtés contestés auraient dû être précédés d’une nouvelle consultation du Conseil national de protection de la nature à la suite de la remise, le 9 avril 2013, du rapport des experts scientifiques, d’autre part, des insuffisances dont serait entaché le dossier de demande, en ce qui concerne la présentation de l’état initial de la zone concernée, les développements consacrés à la justification de l’absence de solutions alternatives satisfaisantes sont inopérants et en tout état de cause non fondés;

– les autres moyens soulevés par l’association ACIPA et autres ne sont pas fondés;

– les mesures d’instruction sollicitées sont inutiles.

II- Sous le n° 15NT02863:

Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 septembre 2015, 11 octobre 2016 et 25 octobre 2016, l‘association Bretagne vivante-SEPNB, l’association France Nature Environnement, l’association France Nature Environnement Pays-de-la-Loire, l’association Ligue de protection des oiseaux Loire-Atlantique, l’association Eaux et Rivières de Bretagne et l’association SOS Loire vivante / ERN France, représentées par Me Dubreuil, demandent à la cour:

1°) d’annuler le jugement 1401304-1401302 du 17 juillet 2015 du tribunal administratif de Nantes;

2°) d’annuler les arrêtés du 20 décembre 2013 du préfet de la Loire-Atlantique;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que:

les arrêtés du 20 décembre 2013 ont été pris en méconnaissance des dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, issues des directives européennes Oiseaux et Habitats ; ils ne satisfont pas aux conditions posées par cet article

– l’autorisation nuira au maintien dans un état de conservation favorable des populations concernées dans leur aire de répartition naturelle, sans comporter de conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement, en méconnaissance du c) du 4° de cet article ; le tribunal administratif a commis une erreur de droit dans l’appréciation du critère relatif au maintien dans un état de conservation favorable des populations concernées dans leur aire de répartition naturelle; les dossiers de demandes n’ont pas procédé à une évaluation de l’état de conservation aux niveaux régional, national et européen; les atteintes locales aux espèces protégées ne seront pas compensées; le besoin compensatoire et les réponses compensatoires ont été mal évaluées; l’état initial n’est pas complet; il n’y a pas de quantification précise des espèces; l’évaluation des dommages sur la faune protégée durant la phase d’exploitation est insuffisante; les réponses compensatoires sont inadaptées; les observations du collèges des experts scientifiques n’ont pas été prises en compte; il est porté atteinte à l’état de conservation de certaines espèces protégées, parmi lesquelles, notamment, la barbastelle d’Europe, le flûteau nageant, le triton marbré, le lézard vivipare, dans leur aire de répartition

– il existe d’autres solutions satisfaisantes pour le développement aéronautique que la création de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes; les dossiers de demandes présentent des insuffisances sur cette question; le réaménagement de l’aéroport de Nantes-Atlantique constitue une solution alternative satisfaisante, ainsi que cela ressort, notamment, du rapport établi en mars 2016 par le Conseil général de l’environnement et du développement durable, qui a également relevé le surdimensionnement du projet d’aéroport à deux pistes et préconisé la suppression de la piste sud ; cette nouvelle configuration du projet permettrait de d’éviter la destruction d’espaces subissant des impacts qualifiés de fort à majeur; en ce qui concerne la configuration de l’aérogare et des pistes, le scénario le plus néfaste à la préservation des milieux humides a été retenu ; la surface des emplacements de stationnement aurait dû être réduite, notamment par la création de parcs de stationnement en silo. 

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2016, la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat conclut au rejet de la requête. 

La ministre soutient queles moyens soulevés par l’association Bretagne vivante-SEPNB et autres ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistré les 22 septembre et 20 octobre 2016, la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest, représentée par Me Duval, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de chacun des requérants à lui verser la somme de 10000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. 

Elle soutient queles moyens soulevés par l’association Bretagne vivante-SEPNB et autres ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 octobre 2016, la clôture d’instruction a été fixée au 27 octobre 2016. 

Vules autres pièces des dossiers.

Vu:

 la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

– le code de l’environnement ; 

– l’arrêté interministériel du 9 juillet 1999;

– l’arrêté interministériel du 19 février 2007 ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Buffet,

– les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

– et les observations de Me Dubreuil, représentant l’association Bretagne vivante-SEPNB et autres, de Me Duval, représentant la société Aéroports du Grand Ouest et de Mme Milon, chef du bureau des affaires juridiques de l’eau et de la nature, représentant la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Une note en délibéré présentée par l’Etat a été enregistrée le 8 novembre 2016. 

Une note en délibéré présentée par la société Aéroports du Grand Ouest a été enregistrée le 9 novembre 2016.

1. Considérant que, sous le n° 15NT02386, l’association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), l’association de défense des exploitants des communes de Notre-Dame-des-Landes, Vigneux-de-Bretagne, Grandchamp-des-Fontaines, Héric, Treillières et communes limitrophes (ADECA), l’association Collectif des élus qui doutent de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CEDPA), Mme Françoise Verchère et M. Sylvain Fresneau relèvent appel du jugement n°1400329-1400339 du 17 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l’annulation pour excès de pouvoir, d’une part, de l’arrêté n° 2013354-0009 du 20 décembre 2013 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé la société Aéroports du Grand Ouest à déroger aux interdictions de capture, d’enlèvement, de transport, de perturbation intentionnelle, de destruction de spécimens d’espèces protégées et de destruction d’habitats d’espèces protégées pour la réalisation de la plate-forme de l’aéroport du Grand Ouest, du programme viaire et de la voie communale VC 3, et, d’autre part, de l’arrêté n° 2013354-0014 du 20 décembre 2013 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a autorisé l’Etat à déroger à ces mêmes interdictions pour la réalisation de la desserte routière de cet aéroport;que, sous le 15NT02863, l’association Bretagne vivante-SEPNB, l’association France Nature Environnement, l’association France Nature Environnement Pays-de-la-Loire, l’association Ligue de protection des oiseaux Loire-Atlantique, l’association Eaux et Rivières de Bretagne et l’association SOS Loire vivante / ERN Francerelèvent appel du jugement 1401304-1401302 du 17 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l’annulation de ces deux mêmes arrêtésdu préfet de la Loire-Atlantique;

2. Considérant que ces requêtes sont dirigées contre les mêmes décisions relatives à la réalisation de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landeset ont fait l’objet d’une instruction commune; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt;

Sur les conclusions à fin d’annulation:

Sur les dispositions applicables:

3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du I de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date des arrêtés contestés :«Lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits :/ 1° La destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle… de ces espèces(…); / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces espèces (…); / 3° La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces ; / (…)» 

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 411-2 de ce code, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2013-714 du 5 août 2013, applicable à la date des arrêtés contestés:« Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées (…) ainsi protégés ; / 2° La durée et les modalités de mise en œuvre des interdictions prises en application du I de l’article L 411-1; / (…) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / (…) c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement (…)»; que les dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, lequel transpose en droit interne l’article 16 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, permettent de déroger au système de protection stricte et aux interdictions résultant des articles 12, 13, 14 et 15 points a) et b) de cette directive et transposées en droit interne aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1 du même code dès lors que sont remplies les trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d’une part, à l’absence de solution alternative satisfaisante, d’autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l’un des motifs qu’il fixe;

5. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 411-6 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date des arrêtes contestés : «Les dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8.»; qu’aux termes de l’article R. 411-8 de ce code, dans sa rédaction applicable à cette date : «Lorsqu’elles concernent des animaux appartenant à une espèce de vertébrés protégée au titre de l’article L. 411-1, menacée d’extinction en France en raison de la faiblesse, observée ou prévisible, de ses effectifs et dont l’aire de répartition excède le territoire d’un département, les dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 sont délivrées par le ministre chargé de la protection de la nature, pour les opérations suivantes : prélèvement, capture, destruction, transport en vue d’une réintroduction dans le milieu naturel, destruction, altération ou dégradation du milieu particulier de l’espèce.»; qu’aux termes de l’article R. 411-8-1 de ce code«La liste des espèces mentionnées à l’article R. 411-8 est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés, respectivement, de la protection de la nature et de l’agriculture (…) après avis du Conseil national de la protection de la nature.»

6. Considérant, enfin,qu’aux termes du premier alinéa de l’article 1er de l’arrêté interministériel du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d’instruction des dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées: «Les dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées sont, sauf exceptions mentionnées aux articles 5 et 6, délivrées par le préfet du département du lieu de l’opération pour laquelle la dérogation est demandée (…)»;qu’aux termes de l’article 2de cet arrêté : « La demande de dérogation (…) comprend : / (…) La description, en fonction de la nature de l’opération projetée :/ – du programme d’activité dans lequel s’inscrit la demande, de sa finalité et de son objectif ; / – des espèces (nom scientifique et nom commun) concernées ; / – du nombre et du sexe des spécimens de chacune des espèces faisant l’objet de la demande / – (…) s’il y a lieu, des mesures d’atténuation ou de compensation mises en œuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ;(…)»; qu’aux termes de l’article 3 de cet arrêté dans sa rédaction applicable à la date des arrêtés contestés: «La décision est prise après avis du Conseil national de la protection de la nature, (…). / Aux fins de consultation du Conseil national de la protection de la nature, deux copies de la demande sont adressées par le préfet au ministère chargé de la protection de la nature (…) »;

Sur les moyens des requêtes :

En ce qui concerne la compétence de l’auteur des arrêtés:

7. Considérant que les requérants soutiennent que la présence de la loutre d’Europe (Lutra lutra) sur le site des travaux à l’origine des atteintes portées aux espèces protégées impliquait, en application des dispositions de l’article R. 411-8 du code de l’environnement mentionnées au point 5, la délivrance, sur le fondement des dispositions du 4° de l’article 
L. 411-2 du même code, d’une dérogation prise non par le préfet de la Loire-Atlantique mais par le ministre chargé de la protection de la nature dès lors que l’arrêté interministériel du 9 juillet 1999 fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d’extinction en France et dont l’aire de répartition excède le territoire d’un département, pris en application des dispositions de l’article R. 411-8-1 du code de l’environnement, mentionne, parmi les espèces menacées d’extinction, la loutre d’Europe (Lutra lutra);

8. Considérant, toutefois, que les arrêtés contestés ne portent pas dérogation à l’interdiction de destruction de la loutre d’Europe (Lutra lutra) ; que, dès lors, le préfet de la Loire-Atlantique était compétent pour signer ces arrêtés conformément aux dispositions de l’article R. 411-6 du code de l’environnementet de l’article 1er de l’arrêté interministériel du 
19 février 2007, mentionnées respectivement aux points 5 et 6; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces arrêtés émaneraient d’une autorité incompétente doit être écarté;

En ce qui concerne la composition des dossiers de demandes de dérogation

9. Considérant, d’une part, qu’il ressort de l’examen des dossiers de demandes de dérogation qu’ils décrivent, avec suffisamment de précision, les opérations projetées notamment quant à la méthode suivie et aux inventaires réalisés, la justification de ces opérations ainsi que les mesures compensatoires envisagées, leurs modalités et les conditions de leur mise en œuvre, conformément aux dispositionsde l’article 2 de l’arrêté du 19 février 2007 mentionnées au point 6 ; que, contrairement à ce qui est soutenu, ils comportent, également, des développements suffisants sur l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur et sur l’absence d’une solution alternative satisfaisante ;

10. Considérant, d’autre part, que les dossiers de demandes de dérogation présentent les espèces animales et végétales concernées par ces demandes ainsi que leur répartition sur le site, et comportent, ainsi, conformément aux dispositions précitées, la description des espèces protégées pour lesquelles il a été demandé une autorisation de déroger aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1 du code de l’environnement; qu’il ressort des pièces des dossiers que la surface des habitats expertisés s’est élevée à 2921 hectares, dont 2174 hectares par la réalisation d’inventaires de terrain, alors que l’emprise de l’opération déclarée d’utilité publique s’étend sur 1630 hectares ; qu’il n’est pas établi que les prospections ainsi réalisées seraient insuffisantesque si les requérants font état de ce que, dans son rapport du 
9 avril 2013, le collège d’experts scientifiques chargé d’évaluer, dans le cadre de la procédure relative aux demandes d’autorisation présentées par les maîtres d’ouvrage au titre de la loi sur l’eau, la méthode de compensation des incidences sur les zones humides du projet de réalisation de la plate-forme aéroportuaire et de la desserte routière de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landesa précisé que les campagnes d’échantillonnage étaient insuffisantes pour apprécier notamment, «la variabilité et la richesse des cortèges floristiques» et caractériser la biodiversité,ce collège n’a, toutefois, pas relevé d’omission dans l’inventaire des espècesprotégées réalisé ; que, par ailleurs, si les études complémentaires, réalisées, à la suite des observations du collège d’experts scientifiques, entre juin et septembre 2013, relatives au demeurant à la typologie des prairies dans les zones humides, dont les requérants se prévalent, ont décrit trois types de prairies relevant de classifications différentes de celles mentionnées dans les études initiales,elles ont, également, précisé qu’elles n’avaient pas pu décrire certains autres types de prairies répertoriés ; qu’ainsi, ces études complémentaires permettent seulement d’établir la diversité et l’imbrication des habitats, confirmant ainsi ce qui avait déjà été relevé dans les dossiers de demandes d’autorisation; que, dans ces conditions, la circonstance que ces études complémentaires n’ont pas été soumises à la consultation du public, ni transmises aux instances consultées n’a pas été de nature à entacher d’irrégularité la procédure; que les études jointes aux demandes d’autorisation précisent que les haies ont été localisées à partir de la «couche végétation» de la base de données topographiques de l’IGN; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il aurait été procédé, ainsi qu’il est soutenu, à une «globalisation de l’évaluation du linéaire de haies», par extrapolation de la densité moyenne des haies constatée sur l’aire d’étude; que les erreurs matérielles relevées, qui portent sur 1 à 2 kilomètres de haies, sont sans incidence; que les allégations relatives à l’omission de mares sur le site ne sont pas suffisamment étayéesqu’enfin, les pièces versées aux dossiers ne font pas ressortir la présence effective, sur le site, de la loutre d’Europe (Lutra lutra) ou d’espèces protégées autres que celles décrites dans les dossiers de demandes

11. Considérant, enfin, que ces dossiers de demandes, déposés en mai 2012, qui décrivaient déjà le campagnol amphibie, ont été complétés en octobre 2013, par chacun des pétitionnaires, d’un dossier de demande «additif» de dérogation au titre de cette espèce, du fait de l’intervention de l’arrêté du 15 septembre 2012, publié le 6 octobre suivant, modifiant l’arrêté ministériel du 23 avril 2007 et la classant parmi les espèces protégées; que ces demandes «additives» comportaient une présentation de cette espèce, l’évaluation des impacts et les mesures prévues pour les limiter et ont été portées à la consultation du public dans les mêmes conditions que les demandes de dérogation principales ; que, par suite, les moyens tirés de «l’insuffisance des dossiers de demandes quant aux espèces concernées par les demandes de dérogation» et, par voie de conséquence, de l’impossibilité d’une «mise en balance des intérêts en présence (…) en cas de fractionnement des dossiers de demandes», en méconnaissance des objectifs de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 ne peuvent qu’être écartés; que, de même, compte tenu de ce que l’ensemble des demandes de dérogation a pu être examiné en même temps, la circonstance que le préfet a délivré, ultérieurement et par des arrêtés distincts, des dérogations portant sur le seul campagnol amphibie n’a pas été de nature à fausser l’appréciationà laquelle il s’est livré pour accorder les autorisations délivrées au titre des espèces protégées autres que le campagnol amphibie, en ce qui concerne, notamment, les conditions tenant à l’absence d’une solution alternative satisfaisante et à l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur posées par les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement

12. Considérant que, par suite, et sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle que les requérants demandent à la cour de poser, les moyens tirés de ce que les porteurs de projet auraient présenté des dossiers de demandes de dérogation insuffisants et fractionnés, en méconnaissance des dispositions des articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement transposant les objectifs de la directive «Habitats» et de ce quel’appréciation par le public et l’autorité décisionnairedes deux conditions relatives à l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur et à l’absence d’une solution alternative satisfaisante «a été donc nécessairement viciée» doivent être écartés

En ce qui concerne la consultation du Conseil national de la protection de la nature:

13. Considérant qu’il n’est pas contesté que le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) s’est prononcé, ainsi que le prévoient les dispositions de l’article 3 de l’arrêté du 19 février 2007 mentionné au point 6, au vu des dossiers de demandes d’autorisation qui lui ont été adressés ; que le comité permanent de ce Conseil, prévu par l’article R. 133-12 du code de l’environnement et dont les attributions sont définies aux articles R. 133-16 et R. 133-17 de ce code, a émis, le 5 juillet 2012, un avis favorable aux deux demandes de dérogation présentées; qu’il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu de la réunion du 5 juillet 2012, que les membres du comité permanent ont débattu, notamment, de la méthode retenue par les pétitionnaires en vue de la «détermination et de l’application des mesures compensatoires», et se sont interrogés sur « l’évaluation de la nature et de la hauteur des mesures compensatoires», «leur transformation en unités de compensation», le calendrier et les résultats de leur mise en œuvre ; que le comité permanent a précisé, dans son avis, que «les calendriers pour le déploiement des mesures prévues devront être intégralement respectés», qu’une «attention particulière doit être accordée à l’entière indépendance» du comité scientifique mis en place par les arrêtés litigieux «par rapport (…) à la bonne mise en œuvre des mesures compensatoires» et qu’il «importe que les mesures soient élaborées et mises en place en poursuivant une logique de résultats, inscrites dans un calendrier de travail, en termes de maintien de l’état de conservation des espèces»; qu’il a préconisé «une gestion adaptative, avec la prise des décisions administratives nécessaires ou correctives, pour la détermination et le suivi des obligations des maîtres d’ouvrage» et a demandé à être informé annuellement de l’avancée de la mise en œuvre des mesures compensatoires; qu’ainsi, le comité permanent du CNPN a examiné les mesures compensatoires prévues, en a délibéré et a émis un avis sur ces mesures ; 

14. Considérant que, postérieurement à l’avis de ce comité, le collège d’experts scientifiques, mentionné au point 10, a remis, le 9 avril 2013, son rapport, au titre de la loi sur l’eau, sur l’évaluation de la méthode de compensation des incidences sur les zones humides du projet de réalisation de la plate-forme aéroportuaire et de la desserte routière de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ; que si, à la suite de ce rapport, le comité permanent du CNPN s’est à nouveau réuni, le 10 avril 2013, et a adopté une motion, celle-ci se borne à émettre notamment le souhait que les demandes de dérogation qu’il avait examinées «soient revues avec la nouvelle méthode validée» ; que le comité ne demande pas, contrairement à ce qui est soutenu, une nouvelle consultation aux motifs qu’il se serait prononcé sur des données erronées de nature à affecter la régularité de sa consultation et que ce rapport du collège d’experts scientifiques constituerait un changement de circonstances dans le déroulement de la procédure de dérogation au titre des espèces protégées; que, par cette motion, le comité permanent n’a pas davantage remis en cause le sens de l’avis qu’il avait précédemment émis ; que le fait que cette motion n’a pas été visée dans les arrêtés contestés est sans influence sur leur légalité;

15. Considérant que, par suite, les moyens tirés par l’association ACIPA et autres de ce que le CNPN aurait formulé, le 5 juillet 2012, son avis sur la base d’un dossier insuffisant du fait que «le rapport du comité d’experts scientifiques a constitué un changement de circonstance important dans le déroulement de la procédure de consultation» et de ce que les arrêtés contestés auraient dû, pour ce motif, être précédés d’une nouvelle consultation du CNPN, ne peuvent qu’être écartés

En ce qui concerne la motivation des arrêtés contestés:

16. Considérant que les arrêtés préfectoraux contestés citent les dispositions applicables; qu’ils précisent que le projet de création de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes répond à des raisons impératives d’intérêt public majeur notamment «pour assurer le développement socio-économique de la métropole NantesSaint-Nazaire, dans une logique d’anticipation sur les besoins de déplacements induits par l’évolution démographique, l’activité économique et touristique du Grand Ouest, pour pallier la saturation du site aéroportuaire de Nantes-Atlantique et ses risques pour la santé liés aux nuisances sonores», qu’aucun des autres sites étudiés «ne permet de répondre de manière plus satisfaisante à la fois aux enjeux de préservation des zones humides, de la biodiversité et des habitats des espaces agricoles, de développement économique et de durabilité des déplacements infra et interrégionaux» et qu’en conséquence il n’existe pas d’autre solution alternative satisfaisante, «que les installations, ouvrages, travaux et activités présentées dans le dossier résultent d’une méthodologie basée sur l’évitement et, pour les impacts ne pouvant être évités, sur des mesures réductrices et correctives, que les impacts résiduels font l’objet de mesures compensatoires dont la pérennité est garantie à long terme notamment par la mise en place d’un suivi de leur réalisation et de leur efficacité»et, enfin, que les dérogations sollicitées ne nuisent pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces protégées concernées dans leur aire de répartition naturellecompte tenu desmesures d’évitement,deréductionet decompensationproposéesdanslesdossiersdedemandesdedérogationqu’ainsi et contrairement à ce qui est soutenu, ils sont suffisamment motivés

En ce qui concerne les moyens fondés sur la méconnaissance du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement et des objectifs de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992:

17. Considérant, qu’ainsi qu’il a été dit au point 4, les dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement impliquent, pour qu’il puisse être dérogé au système de protection stricte et aux interdictions résultant de l’article 16 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992, que soient remplies les trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d’une part, à l’existence d’uneraison impérative d’intérêt public majeur mentionnée par le c) de ces dispositions,d’autre part, à l’absence de solution alternative satisfaisante, et, enfin, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle; que l’absence de l’une de ces trois conditionsfait donc obstacle à ce que la dérogation puisse être légalement accordée ;

18. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que la création de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes vise à favoriser le développement économique du Grand Ouest, à améliorer l’aménagement du territoire et à développer les liaisons aériennes nationales et internationales,tout en réduisant les nuisances sonores subies par la population de l’agglomération nantaise ; que ce projet fait partie des actions retenues, notamment, les 18 décembre 2003 et 14 octobre 2005, par le comité interministériel d’aménagement du territoire, dans le cadre de la politique de «renforcement de l’attractivité européenne des métropoles françaises» et de «consolidation de l’armature urbaine du territoire français au sein d’un ensemble européen s’élargissant à l’est et dont le centre de gravité s’éloigne de la façade ouest Atlantique»

19. Considérant que les requérants soutiennent que l’optimisation de la plate-forme aéroportuaire existante de Nantes-Atlantique permettrait d’atteindre cet objectif de sorte que le projet de création de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ne présenterait pas de caractère impératif

20. Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier, notamment, du rapport du 9 avril 2013 de la commission du dialogue mise en place le 30 novembre 2012 par le préfet de la région des Pays-de-la-Loire, préfet de la Loire-Atlantique, que le trafic de l’aéroport de Nantes Atlantique a progressé de 1,9 millions de passagers en 2001 à 3,63 millions en 2012, atteignant ainsi, avec 13 ans d’avance, les hypothèses de croissance les plus basses retenues lors du débat public de 2003 et qu’aucun élément ne permet d’établir un ralentissement de cette tendance, que la perspective de trafic de 4,2 millions de passagers autour de 2018-2020 correspond au niveau de saturation de l’aérogare actuelle, que le réaménagement de l’aéroport de Nantes-Atlantique, en vue de faire face à l’augmentation du trafic et du nombre de passagers, nécessitera des travaux très importants qui, jusqu’alors, n’ont pas suffi à améliorer ses conditions de fonctionnement, que, compte tenu de la localisation de l’aéroport actuel à proximité de zones très densément urbanisées et du nombre de 55000 mouvements d’avions susceptible d’être atteint à moyen terme, la population de l’agglomération nantaise subira, dans le cas du réaménagement des installations existantes, des nuisances difficilement supportables et que la nécessaire limitation, pour tenir compte de ces contraintes, des capacités de l’aéroport est de nature à freiner le développement économique de la région

21. Considérant, d’autre part, que, à la suite d’une recommandation exprimée en ce sens par la commission du dialogue, la direction générale de l’aviation civile (DGAC) a procédé à une étude sur le réaménagement de l’aéroport Nantes-Atlantique ; que, dans son rapport d’étude de novembre 2013, elle précise, d’une part, que le scénario de maintien de l’activité à Nantes-Atlantique sur la piste actuelle nécessite d’importants travaux destinés notamment à la mise en conformité réglementaire de la piste, des acquisitions foncières estimées à 114 hectares susceptibles d’avoir une incidence sur les zones humides avoisinantes, et que 80000 personnes seraient impactées à terme par les nuisances sonores de l’aéroport, d’autre part, que le scénario de réaménagement avec une piste transversale, proposé par les opposants au projet, nécessiterait l’acquisition de 260 hectares, conduirait à impacter 8 500 nouveaux riverains soit plus de trois fois plus qu’à Notre-Dame-des-Landes et que «la mise en œuvre d’un tel projet qui suppose au préalable un changement majeur de plusieurs plu [plans locaux d’urbanisme] est plus qu’incertaine» ; qu’il n’est pas établi que, contrairement à ce que les requérants soutiennent, ces nuisances sonores auraient été significativement surévaluées par la DGAC

22. Considérant en outre, que l’autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), dans son rapport de 2013, dont se prévalent l’ACIPA et autres, précise que l’étude menée, pour le compte de cette association, sur les nuisances sonores de l’aéroport actuel, présente un défaut important dans la mesure où «elle ne tient pas suffisamment compte de l’évolution prévisible du nombre de mouvements et de son incidence sur la pilotabilité des procédures de navigation», que « ses conclusions conduisent inévitablement à sous-estimer l’impact d’un plus grand nombre de survols de la ville à basse altitude» et qu’une « densification du trafic aérien fera que la population survolée sera plus nombreuse et la gêne accrue si la configuration actuelle est maintenue»

23. Considérant, enfin, que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir à l’appui de leur contestation pour excès de pouvoir de la légalité des arrêtés contestés de l’étude sur les alternatives pour le développement aéroportuaire du Grand Ouest, réalisée, en mars 2016, à la demande du 13 janvier 2016 de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), dès lors que cette étude se fonde sur des données de fait postérieures aux décisions contestées; qu’en tout état de cause, ce rapport précise, que le projet d’aéroport comporte «deux enjeux très forts, les nuisances sonores et le renouvellement urbain au cœur d’une ville métropole», confirmant ainsi sur ces deux points, les conclusions du rapport du 9 avril 2013 de la commission du dialogueque ce rapport indique que l’exploitation de l’aéroport subit de fortes contraintes pour limiter le bruit sur l’agglomération nantaise; qu’en effet, l’exploitation actuelle de la piste présente des caractéristiques particulières dont il souligne qu’elles apparaissent aujourd’hui «en net décalage par rapport aux autres aéroports commerciaux français et aux aéroports européens de taille équivalente»; que le rapport relève que des procédures particulières d’approche et d’atterrissage ont ainsi été mises en place de longue date pour limiter les nuisances sonores liées au survol de l’agglomération nantaise, notamment à basse altitude pour les atterrissages et que la question de la mise en conformité de ces procédures avec les recommandations de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) est posée; qu’il précise à cet égard que l’application de ces recommandations se traduirait par une trentaine de jours supplémentaires par an pendant lesquels les vols à l’atterrissage passeraient au-dessus de la ville de Nantes ; que ce rapport du CGEDD relève, s’agissant des conséquences, en matière d’urbanisme, que dans l’hypothèse du maintien de l’aéroport sur le site de Nantes-Atlantique, les modifications à envisager rendront indispensable la révision du plan d’exposition au bruit établi en 2003, compte tenu de la mise en conformité des approches de la piste, laquelle affectera surtout les zones C et D, la population concernée par l’ensemble des quatre zones étant évaluée à 60000 personnes; qu’ainsi la nouvelle zone C conduirait à «un gel de toute densification» jusqu’à une partie du centre ville et «poserait la question d’une dérogationpour la construction du futur CHU sur l’île de Nantes, à cheval sur les zones C et D » tandis que la zone D identifierait «une zone bruyante jusqu’au périphérique»;

24. Considérant que, compte tenu de l’ensemble des éléments mentionnés aux points 20 à 23, les dérogations litigieuses doivent être regardées comme justifiées par des motifs impératifs d’intérêt public majeur, conformément aux dispositions précitéesdu c) du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ; que, par voie de conséquence, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette première condition ne serait pas satisfaite

25. Considérant, en deuxième lieu et d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier et qu’il n’est au demeurant pas contesté, qu’il a été procédé, en vue de déterminer l’implantation du futur aéroport, entre 1992 et 2003, à une analyse comparée et multi-critères de neuf sites, décrite avec précision dans les dossiers de demandes de dérogation, au terme de laquelle les sites de Guémené-Penfao et de Notre-Dame-des-Landes ont été identifiés comme les plus favorables à l’accueil de cette infrastructure ; qu’en tout état de cause, dans son rapport de mars 2016, auquel se réfèrent les requérants, le CGEDD précise que le plateau de Guémené-Penfao se situe dans le même contexte de zones humidesque celui de Notre-Dame-des-Landes et que, dans l’hypothèse de la construction d’un aéroport sur un nouvel emplacement (p. 35) «le site de Notre-Dame-des-Landes paraît donc encore aujourd’hui, indépendamment des avantages que constitue la maîtrise foncière partielle et la limitation de la périurbanisation, le meilleur site envisageable, avec des difficultés à ne pas méconnaître»; que ces deux sites présentant un niveau d’impact sur l’environnement comparable, le site de Notre-Dame-des-Landes a été retenu en raison de la proximité d’axes routiers structurants pour l’ensemble de la région du Grand Ouest et de ce qu’il contribue au renforcement de la dimension européenne de la métropole de Nantes-Saint-Nazaire; que, si les requérants soutiennent que, parmi les différents sites étudiés, celui de Montfaucon comportait une surface réduite de zones humides, il n’est pas contesté que, ainsi qu’il est indiqué au dossier, ce site présentait des contraintes importantes en ce qui concerne la possibilité d’acquérir les terrains nécessaires à la construction d’un aéroport ; que, s’agissant de la desserte routière, plusieurs variantes ont été étudiées, la variante nord ayant été privilégiée compte tenu de ses moindres impacts sur les plans agricole et environnemental

26. Considérant, d’autre part, que les requérants soutiennent que le réaménagement sur place de l’aéroport Nantes-Atlantique constitue une solution alternative satisfaisanteet qu’ainsi, les dérogations litigieuses auraient été prises en méconnaissance des dispositions précitées du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement; que, toutefois, compte tenu de ce qui a été dit aux points 18 à 25 et alors que l’espace nécessaire à l’extension du site actuel de Nantes-Atlantique présente le même caractère de zone humide que le site de Notre-Dame-des-Landes et se situe, ainsi que l’a relevé le rapport du CGEDD,à 3,2 kilomètres de la zone de protection spéciale du lac de Grand-Lieu, espace désigné au titre de la convention de Ramsar, cette zone bénéficiant du régime de protection apporté par une réserve naturelle nationale pour la majorité de sa surface et une réserve naturelle régionale pour le soldecette solution ne permet pas d’assurer un équilibre satisfaisant entre les intérêts publics en présence, en matière économique et sociale, d’une part, et de protection de l’environnement, d’autre part

27. Considérant, enfin, et en tout état de cause, que si dans son rapport réalisé,  ainsi qu’il  a été dit au point 23, au vu de données de fait postérieures aux arrêtés contestés, le CGEDD évoque un projet de redimensionnement à une seule piste du futur aéroport, la DGAC, dans son rapport d’étude de novembre 2013 portant sur le réaménagement de l’aéroport Nantes Atlantique a précisé que «les grands aéroports français ont tous au moins deux pistes» et que cet aéroport, du fait de sa piste unique, est «vulnérable en cas d’incident, d’accident et de travaux» sur la piste, ce que, sur ce dernier point, le rapport du CGEDD n’a pas nié ; que, si le CGEDD indique également que certains aéroports régionaux ayant deux pistes n’en utilisent en pratique qu’une seule, il reste que cette même vulnérabilité serait encourue en cas de redimensionnement du projet à une seule piste et que la continuité du service public de desserte aérienne, requise notamment pour un aéroport de la taille de celui projeté, ne pourrait pas ainsi être en permanence assurée; que, dans ces conditions, il ne peut être tenu pour établi que le projet de redimensionnement à une seule piste du futur aéroport préconisé par ce rapport, auquel les requérants se bornent à renvoyer, représenterait une solution alternative satisfaisante; que les variantes du projet consistant en la réduction à 25 m² des surfaces des emplacements de stationnement, ou en la construction de parcs de stationnement en silo, au regard de la surface totale de l’emprise aéroportuaire de 538 hectares, et dont les effets sur le nombre d’espèces ou d’habitats naturels visé par les arrêtés contestés ne sont pas établis, ne peuvent davantage être regardées comme constituant une solution alternative satisfaisante ; 

28. Considérant que, par suite, le moyen tiré de ce que cette deuxième condition tenant à l’absence de solution alternative satisfaisante ne serait pas respectée doit également être écarté

29. Considérant, en troisième lieu, que les requérants soutiennent que ne serait pas satisfaite la troisième condition relative au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle

30. Considérant qu’il est constant que le site retenu n’est compris, ni dans une zone de protection spéciale, ni dans un site d’intérêt communautaire; que les pétitionnaires ont, pour chaque espèce protégée, déterminé un niveau d’intérêt de la population locale; qu’ils ont étudié, ainsi qu’il leur appartenait de le faire, la situation de chacune des espèces concernées aux niveaux départemental, régional et national; que si les requérants soutiennent que le niveau d’intérêt de la population locale de certaines espèces, notamment des populations du triton blasius ou du lézard vivipare, aurait dû être considéré comme majeur, ils n’apportent pas d’éléments suffisants au soutien de cette allégation; que les maîtres d’ouvrage ont analysé le type, la nature et la durée des impacts de l’opération au niveau local; qu’ils ont, ensuite, défini un «niveau d’impact résiduel» sur le site, après prise en compte des mesures d’évitement et de réduction, pour chacun des groupes biologiques (floristique, insectes amphibiens, reptiles, avifaune et mammifères) et chacune des espèces considérées ; que, sur ce point, il ressort de l’examen des dossiers de demandes que certaines populations observées subiront, sur le site, un «niveau d’impact résiduel», assez fort, fort ou très fort, notamment, parmi la population des amphibiens tels que la grenouille agile, la salamandre tachetée ou le triton palmé, parmi celle des chiroptères tels que la barbastelle d’Europe, et parmi la population des reptiles tels que la couleuvre à collier ou le lézard vivipare et que la population du triton marbré fait l’objet d’un «niveau d’impact résiduel» majeur ; qu’enfin, s’agissant du flûteau nageant, le «niveau d’impact résiduel» pour cette espèce floristique est «modéré à assez fort» pour la plate-forme aéroportuaire et «faible à modéré» pour la desserte

31. Considérant qu’il ressort des pièces des dossiers de demandes (pages 101 et suivantes du dossier relatif à la plate-forme aéroportuaire et pages 222 et suivantes du dossier relatif à la desserte routière) et n’est pas contesté que les populations concernées sont présentes et répandues en Europe et sur l’ensemble du territoire national, pour la plupart des espèces, mais également dans l’ouest de la France ainsi qu’aux niveaux régional ou départemental ; qu’ainsi, les dossiers joints aux demandes de dérogation précisent que l’aire de répartition du triton marbré englobe l’ensemble de la France occidentale où elle est commune à assez commune,que la barbastelle d’Europe est une espèce répandue en France, sauf dans l’extrême nord du pays et dans les départements méditerranéens, et commune dans le nord-ouest, le centre est et en Midi-Pyrénéeset que le lézard vivipare est commun à assez commun dans l’ouest, le nord et l’est de la France et qu’il est assez commun dans certains départements proches de la Loire-Atlantique ; qu’ils précisent, également, que les populations de grenouille agile, de triton palmé et de couleuvre à collier sont largement répandues en France et très communes en Loire-Atlantique, que celle de la salamandre tachetée est largement répandue sur le territoire français et commune en Loire-Atlantique, l’ensemble de ces espèces ne présentant donc pas d’enjeux de conservation européen, national, régional et départemental remarquables ; qu’enfin, le flûteau nageant est particulièrement présent dans le centre et le sud de la Bretagne, dans un vaste quart nord-ouest du département de Loire-Atlantique et le long de la vallée de l’Erdre

32. Considérant que les requérants se prévalent, par ailleurs, pour contester la pertinence des mesures de compensation aux destructions opérées sur le site, de l’insuffisance de ces mesures, de l’insuffisance de l’évaluation du besoin compensatoire, de l’inadéquation de la méthode de globalisation des enjeux et réponses compensatoires, ainsi que de l’impossibilité de garantir ces mesures ; qu’ainsi qu’il a été dit au point 10, les inventaires réalisés sur le site ne peuvent être regardés comme insuffisants s’agissant, notamment, des espèces répertoriées, des relevés phytosociologiques, des haies et des mares; qu’ainsi, les requérants ne peuvent s’appuyer sur ces insuffisances pour soutenir que le besoin compensatoire n’aurait pas été correctement évalué; que les insuffisances alléguées relatives à «l’évaluation des dommages sur la faune protégée lors de la phase d’exploitation» sont sans incidence dès lors que les arrêtés contestés se rapportent exclusivement à la phase de réalisation des travaux, et non à la phase d’exploitation du futur aéroportqu’il ne ressort pas des pièces des dossiers que, compte tenu de la méthode de «globalisation des enjeux» qui aurait été utilisée, « toutes les espèces protégées n’ont pas fait l’objet de compensation», ni que les coefficients de compensation retenus «aboutissent à une sous-estimation manifeste des efforts à fournir pour restituer la biodiversité du site du projet»; que les requérants ne peuvent se borner à se prévaloir du rapport du collège d’experts scientifiques établi, comme il est dit au point 14, au titre de la loi sur l’eau, procédure différente de celle initiée au titre de la procédure de dérogation au titre des espèces protégées sans expliciter en quoi la méthode retenue serait affectée d’un vice pour l’appréciation des demandes de dérogation à l’interdiction de destruction de ces espèces;

33. Considérant qu’aucune disposition ne fait obligation de chiffrer et de localiser les mesures compensatoires prévues dans le cadre de cette procédure; que l’existence au nord de l’agglomération nantaise sur le secteur dit «des trois vallées» d’un périmètre de protection et de mise en valeur des espaces naturels et agricoles périurbains (PEAN), document de planification et d’aménagement du territoire prévu par le code de l’urbanisme, est sans effet sur la mise en œuvre des mesures compensatoires prévues par les arrêtés contestés de sorte que ces arguments ne peuvent être utilement soulevés; que les arrêtés contestés prévoient, chacun, que le maître d’ouvrage met en place les mesures compensatoires soit directement sur les terrains qu’il possède ou qu’il acquiert, soit par contractualisation; que le recours à la contractualisation n’est pas de nature, par lui-même, à entacher d’illégalité les arrêtés contestés en ce qu’il ne permettrait pas, selon les requérants, de garantir la réalisation des mesures prévues pour compenser les destructions et dégradations opérées alors, d’une part, que cette contractualisation s’effectue dans le cadre de prescriptions strictement définies par les arrêtés contestés, respectivement par les articles 13.5.5, pour la société Aéroports du Grand Ouest, et 11.5.5, pour l’Etat, de manière à assurer la qualité de leur mise en œuvre et leur pérennité et, d’autre part, que ces arrêtés prévoient des mesures de suivi, des moyens de surveillance et de contrôle et disposent qu’en cas de non respect de l’ensemble de leurs prescriptions, les maîtres d’ouvrage s’exposent aux sanctions administratives prévues par l’article L. 171-8 du code de l’environnement, dont la suspension complète des travaux jusqu’à l’exécution complète des conditions imposées par ces arrêtés; que, contrairement à ce qui est soutenu, les corridors écologiques ont été pris en compte pour la définition et l’application des mesuresde compensation ; que le moyen tiré de l’absence de respect du «principe d’additionnalité», «compte tenu de l’absence d’analyse précise de la mise en œuvre des mesures agro-environnementales dans les enveloppes de compensation déterminées, empêchant de s’assurer du respect de ce principe par rapport aux engagements privés» n’est pas assorti de précisions permettant d’établir que les arrêtés contestés seraient pour ce motif entachés d’illégalité ; que l’arrêté délivré à la société Aéroports du Grand Ouest précise à l’article 10-3 le calendrier des travaux sur les mares devant être détruites, présente à l’article 11-3 une synthèse du calendrier des évitements et indique à l’article 13-8 que le maître de l’ouvrage met en œuvre les mesures compensatoires selon un échéancier précis prévoyant que toutes les mares de compensation sont réalisées dans un délai de quatre ans à compter de la notification de cet arrêté, que 20 % des unités de compensation sont engagées avant les travaux de terrassement généraux relatifs à la plate-forme aéroportuaire (année N) qui créeront un dommage irréversible à l’ensemble du site, intégrant 25% de la surface à compenser au titre des habitats remarquables, 30 % au 31 décembre de l’année N+1, 60 % au 31 décembre de l’année N+2 et 100 % à la mise en service de l’aéroport; que, de même, l’arrêté délivré à l’Etat au titre de la desserte routière de l’aéroport précise, à l’article 8-3, le calendrier des travaux sur les mares devant être détruites, présente à l’article 9-2 une synthèse du calendrier des évitements et indique à l’article 11-8 selon le même échéancier les mesures compensatoires que le maître de l’ouvrage devra mettre en œuvre; qu’en ce qui concerne plus particulièrement les chiroptères, ces arrêtés précisent les dispositions calendaires pour l’abattage des arbres les abritant afin d’éviter les impacts, tout en laissant une possibilité d’abattage pendant la période d’hibernation lequel ne pourra toutefois être réalisé qu’après l’intervention d’un chiroptérologue et dans le cadre d’un protocole particulier ; que ce calendrier est suffisamment précis et ne peut être regardé comme méconnaissant les dispositions législatives en litige; qu’enfin, la référence faite par les requérants à un autre projet mené par la société Aéroports du Grand Ouest ne saurait suffire à établir l’absence de faisabilité des mesures compensatoires prescrites par les arrêtés contestés;

34. Considérant que, par suite, l’ensemble des arguments que les requérants développent en se bornant d’ailleurs, pour l’essentiel, à faire état des insuffisances des dossiers de demandes de dérogation et des «niveaux d’impact résiduel» des travaux définis à l’échelle du site, ne permet pas de regarder comme établi que les arrêtés de dérogation contestés seraient susceptibles de nuire au maintien, dans leur aire de répartition naturelle, dans un état de conservation favorable des populations concernées, lequel, contrairement à ce qui est soutenu, n’a pas été apprécié globalement sans tenir compte des diverses espèces ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que cette troisième condition ne serait pas satisfaite doit, également, être écarté; que, par voie de conséquence, et sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles que les requérants demandent à la cour de poser, en l’absence d’atteinte au maintien dans leur aire de répartition naturelle dans un état de conservation favorable des populations concernées et compte tenu des mesures de compensation prises ainsi que des dispositifs de suivi, de contrôle et de sanction mis en place par les arrêtés contestés pour en assurer la mise en œuvre effective et pérenne, les moyens tirés de ce qu’il aurait dû être fait 
« application du principe de précaution au stade de la détermination de l’atteinte à l’état de conservation des espèces concernées par le projet» et de ce que «l’application de ce principe aurait dû aboutir au refus d’accorder la dérogation aux porteurs des projets» doivent, en tout état de cause, être écartés

35. Considérant qu’il résulte des points 18 à 34 que les décisions contestées ne méconnaissent, ni les dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, ni les objectifs de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992, notamment de l’article 16 ;

36. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une visite sur les lieux en application de l’article R. 622-1 du code de justice administrative ou de désigner, en application de l’article R. 625-3 de ce code, une personne dont la compétence ou les connaissances seraient de nature à éclairer la cour utilement sur la solution à donner au litige, que l’association ACIPA et autres et l’association Bretagne vivante-SEPNB et autres ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement n°1400329-1400339, qui est suffisamment motivé, et le jugement 1401304-1401302, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes;

Sur les conclusions à fin d’injonction

37. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d’annulation de la  requête de l’association ACIPA et autres, n’appelle aucune mesure d’exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d’injonction présentées dans cette requête ne peuvent qu’être rejetées

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative:

38. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Aéroports du Grand Ouest au titre de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article1er: La requête de l’association ACIPA et autres et la requête de l’association Bretagne vivante-SEPNB et autres sont rejetées.

Article2Les conclusions présentées par la société Aéroports du Grand Ouest au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article3: Le présent arrêt sera notifié à l’association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre-Dame-des-Landes(ACIPA), à l’association de défense des exploitants des communes de Notre-Dame-des-Landes, Vigneux-de-Bretagne, Grandchamp-des-Fontaines, Héric, Treillières et communes limitrophes (ADECA), à l’association Collectif des élus qui doutent de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CEDPA), à Mme Françoise Verchère, à M. Sylvain Fresneau, à l’association Bretagne vivante-SEPNB, à l’association France Nature Environnement, à l’association France Nature Environnement Pays-de-la-Loire, à l’association Ligue de protection des oiseaux Loire-Atlantique, à l’association Eaux et Rivières de Bretagne, à l’association SOS Loire vivante / ERN France, à la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat et à la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest. 

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l’audience du 7 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

M.Bachelier, président de la cour,

– M. Pérez, président de la deuxième chambre,

– M. Lenoir, président de la cinquième chambre,

– M. Millet, président-assesseur de la deuxième chambre,

– M. Francfort, président-assesseur de la cinquième chambre,

– Mme Buffet, premier conseiller,

– M. Mony, premier conseiller.